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« Longtemps, ce regard » / « Boolean vivarium »

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    « Longtemps ce regard » de Pierre Tonachella.
    France, 2024, 57′

    Souvenirs épars d’années passées dans mon village, où les amitiés, le quotidien prolétaire, l’errance et les champs plats sont célébrés au cours d’un cheminement poétique et politique.

    Pierre Tonachella ne filme pas seulement pour revenir sur les lieux de son enfance dans l’Essonne, mais pour trouver au travail du cinéma une raison d’être à la hauteur de celui des amis qui y sont restés. Un fragment des lettres de Schiller, parmi quatre extraits littéraires dont la lecture scande le film et qui ménagent une voie médiane entre le poétique et le politique, laisse entendre que le retour est une boussole pour l’éducation esthétique. Hors d’une nostalgie stérile, cette boussole indique aussi bien une fidélité aux origines qu’un chemin pour l’avenir. Longtemps, ce regard renoue avec la forme collective et collaborative de Jusqu’à ce que le jour se lève (présenté à Cinéma du réel en 2018) après un film consacré à son ami poète Théophile Cherbuin. On y retrouve des têtes connues, et chacune entre dans le film sans présentation, par le biais de mises en scène variées qui projettent des souvenirs communs sur la scène du jeu, tandis que l’espace laissé vacant par le récit biographique est investi par des mots d’autres temps et d’autres lieux. Éloge de l’amitié, attachement intime au territoire et documentaire sur une ruralité prolétaire et contemporaine se rejoignent dans l’exercice d’un regard attentif et ouvert, précis et libre. Plus proche en cela des premiers Guiraudie ou Creton que de Bruno Dumont, ce regard reprend à son compte ces mots de Mahmoud Darwich : «c’est la force de la poésie : il n’y a pas de dernier poème. L’horizon est ouvert. Le chemin vers la poésie est la poésie. Il n’y a pas de dernière station, pas même Dieu. […] Si nous savions quel est ce poème, nous l’écririons et ce serait fini.»

    Antoine Thirion, Cinéma du réel

    Pierre Tonachella est né en 1988. Il a grandi dans un village de l’Essonne, puis il a mené des études de philosophie et de théorie du cinéma à Paris avant de se consacrer à la pratique du cinéma documentaire. Son travail mêle l’intime et le politique et se fait souvent avec les proches de son village. Il écrit par ailleurs de la poésie.

     

     

     

     


    « Boolean Vivarium » de Nicolas Bailleul.
    France, 2024, 56′

    Dans une maison isolée du monde, Léo et Nicolas s’attèlent à la création de « Vivarium », un jeu vidéo dans lequel on assiste au pourrissement d’une maison inhabitée. Un jeu qui fait étrangement écho au lieu où les protagonistes peinent à cohabiter...

    Si le principe du jeu qu’il a créé est joliment invraisemblable, en filmant son processus de création, Nicolas Bailleul élève l’absurde au carré. À défaut de pouvoir développer algorithmiquement les moisissures dans son jeu, il cultive dans son film la poésie du code. Le travail minutieux des deux programmateurs nous projette dans un univers aux enjeux puissamment métaphoriques : comment rendre la destruction d’un monde la plus belle et la plus ludique possible ? Ce n’est pas de tout repos. Comme des reptiles dans un bocal, ne bougeant que la main droite et les yeux, Léo et Nicolas recherchent avec passion les meilleurs paramètres. Ce travail d’équipe donne lieu à quelques punchlines à mi-chemin entre sens et non-sens (« On fait poussière, moisissure, asticots, et on n’en discute plus ? ») et à une vie fantasmatique délicieusement excentrique, loisible de se fixer sur le brunissement d’un mégot sous les passages répétés des rayons du soleil. Tandis que les protagonistes de ce huis clos prennent douloureusement conscience de leur corps, vient le moment d’installer dans leur décor numérique le cadavre qui doit y pourrir, elephant in the room qui n’avait pas encore été mentionné jusqu’alors. Dans cette perspective mortelle, on comprend mieux leur acharnement à peaufiner leur créature de pixels. Des voix nues formant des harmonies intemporelles nous le rappellent : de part et d’autre de l’Histoire de l’humanité, la mortalité a eu ceci de bon qu’elle nous a encore et toujours poussés à créer.

    Olivia Cooper-Hadjian, Cinéma duréel

    À travers la réalisation de films documentaires, d’installations et de performances, le travail de Nicolas Bailleul se définit par l’usage, le détournement, la collecte et l’exploration des plateformes, des mondes virtuels, des espaces connectés et des infrastructures du web aux logiques et géographies incertaines. En essayant de montrer concrètement ce qui se joue dans des lieux prétendument irréels, invisibilisés et inaccessibles, il cherche à faire émerger des problématiques contemporaines qui touchent à des questions de création, de sociologie, d’économie et d’écologie. Depuis octobre 2020, Nicolas est doctorant contractuel en recherche et création, ainsi qu’enseignant vacataire au sein du laboratoire AIAC (Université Paris 8), sous la direction de Patrick Nardin (MCF) et en codirection avec Gwenola Wagon (MCF). Il travaille à sa thèse intitulée : « La chambre, création contenue ».

    Date et heure

    sam 11 mai 2024 : 10:30
     

    Type d’évènement

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