Le Thé ou l’Électricité de Jérôme Le Maire
France, Maroc, Belgique • 2012 • 1h33′
Entrée 5€
Le Thé ou l’Électricité est l’histoire épique de l’arrivée de l’électricité dans un village isolé et enclavé au cœur du Haut Atlas marocain.
Durant plus de trois années, saison après saison, le réalisateur dévoile patiemment les contours de la toile qui se refermera inexorablement sur les habitants d’Ifri. Sous nos yeux se dessine l’image d’une modernité impitoyable à laquelle le petit village va être relié.
Publié le 15/10/2012 par / Catégorie: Critique par Cinergie.be
Quelques semaines à peine après la sortie du Grand Tour, Jérôme le Maire était de retour avec Thé ou électricité, documentaire plus profond et cynique qu’il n’y paraît sur l’installation de l’électricité dans un village perdu situé au Maroc. En intervenant très peu lors du tournage, le réalisateur préfère laisser la parole aux villageois à la fois attirés et frustrés par cette nouvelle énergie qu’ils ne connaissent pas ; il peut alors esquisser les conséquences néfastes que la modernité engendre parfois dans une société. Un sujet qui s’avère finalement plus universel qu’on ne pourrait le croire.
Tout débute à Ifri, à 2600 mètres d’altitude, dans un paysage lunaire, où la roche étouffe le village et en rend difficile l’accès. Dans ce décor beau mais aride, dont les seules couleurs sont le rouge de la terre en été et le blanc de la neige en hiver, l’agriculture est trop difficile, aussi, la plupart des hommes sont éleveurs. Les enfants ne vont pas à l’école, les femmes s’épuisent et s’abîment à couper et transporter du bois pour cuisiner. Lorsque deux employés de l’Office National de l’Électricité viennent annoncer l’arrivée prochaine d’installations électriques, cela ne semble pas particulièrement convaincre les anciens. Le village va toutefois s’impliquer dans les travaux physiquement, humainement et financièrement.
Jérôme le Maire a toujours privilégié la notion de communauté à celle de l’individu : ce n’est pas Claude Volter, mais l’ensemble de sa famille qui est mise en avant dans Volter ne m’intéresse pas et c’est un groupe d’amis qui est le sujet du Grand Tour. Ici, le cinéaste se penche sur le village dans son ensemble : aucun personnage central, aucun visage dominant, juste un groupe perdu dans ses contradictions, à l’image de l’homme qui vend les vaches qui le nourrissaient pour pouvoir payer l’électricité qui ne sert finalement pas à grand-chose.
Ironie que d’apporter l’électricité à des gens qui n’ont pas les moyens de la payer. Si Thé ou électricité débute, toute virulence et comparaison politique gardée, à la manière du Las Hurdes de Luis Buñuel (description d’un village pauvre, isolé où les enfants meurent faute de soins), il devient pourtant rapidement le récit d’une absurdité sans nom, une illusion du bien-être. Le cinéaste observe le village avec une affection évidente : point de misérabilisme, mais de la chaleur humaine. Les personnages ne sont pas des sujets de reportage, mais bien des êtres humains qui confessent leurs envies et leurs inquiétudes à un réalisateur qu’ils sentent visiblement complice. Si la forme du film est parfois trop classique, le propos n’en est pas moins percutant : les habitants ne demandent pas l’électricité, mais la route pour faciliter l’accès au village de la médecine, de l’éducation, du commerce. Ils n’auront que l’électricité, des ampoules pour la nuit et surtout, surtout, la télévision, objet maudit à l’instar de cette séquence où, plutôt que de se moderniser, le village s’isole encore un peu plus, non seulement de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur, chacun restant désormais chez soi. Le prix de la modernité ? Oui et non, car Jérôme le Maire contrebalance, en une simple image, le bonheur que peut apporter l’électricité dans un foyer. Et de laisser le spectateur le soin de se faire sa propre opinion. Aucune leçon de morale, juste une piste de réflexion ; c’est aussi ça, le cinéma.
Né à Liège (Belgique) en 1969, Jérôme le Maire est réalisateur, scénariste et cameraman. Après des études en Journalisme et Communication à l’Université Libre de Bruxelles, il s’oriente vers une formation en réalisation à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD) de Louvain-la-Neuve. Il commence sa carrière en réalisant plusieurs courts métrages de fiction : « MEILLEURS VOEUX » (co-réalisé avec Vincent Lannoo en 1994), « SALUTATIONS DISTINGUÉES » (1995) ; un docu- soap diffusé sur Canal+ : « LE BELGE ÉTÉ » (8×26’, 2001) et plusieurs documentaires dont « UN JOUR UNE VIE » (63’, 2002), « VOLTER NE M’INTÉRESSE PAS » (52’, 2003).
Suite à cela, Jérôme le Maire s’installe deux ans et demi avec sa famille dans une palmeraie isolée au sud du Maroc. Il en revient en 2006 avec le film « OÙ EST L’AMOUR DANS LA PALMERAIE ? » (85’ et 52’, 2007) – qui a été et nominé aux European Academy Awards et qui a été sélectionné dans de nombreux festivals internationaux tels que Visions du Réel (Nyon, Suisse), RIDM (Canada), Parnü Film Festival (Estonie), Festival des quatre écrans (France),…
En 2012, Jérôme le Maire écrit et réalise le long métrage documentaire intitulé « LE THÉ OU L’ÉLECTRICITÉ » (52’ et 93’). Ce film Ce film qui a aussi été nominé aux European Awards Academy a reçu une trentaine de récompenses internationales parmi lesquelles : Magritte du meilleur documentaire ; Prix du Meilleur Documentaire de la Scam, Grand Prix et Prix du Jury au FIDADOC (Agadir, Maroc); FIFOG d’Or au Festival du Film Oriental de Genève, …
En 2013, Jérôme le Maire signe un long métrage de fiction « LE GRAND’TOUR » (105’). Ce film a reçu l’Amphore d’Or au Festival du Film Grolandais et a été sélectionné au Festival de Cannes (ACID), au Festival International de Rotterdam, au Festival International du Film Francophone de Namur et dans une vingtaine de festivals internationaux. Ce film est sorti en salles en Belgique en 2013 et en France en 2014.
Fin 2016, Jérôme le Maire à sorti le film long métrage documentaire « BURNING OUT – Dans le ventre de l’hôpital », film sur l’épuisement professionnel, qui a remporté le Magritte du meilleur film documentaire, ainsi que le prix du meilleur documentaire belge au Festival DOCVILLE à Leuven. BURNING OUT a aussi été sélectionné dans un grand nombre de festivals internationaux dont les plus renommés sont : IDFA (Amsterdam, Hollande), Vision du Réel (Nyon, Suisse), CPH :DOX (Copenhague, Danemark), FIPA (Biarritz, France), Ramdam (Tournai, Belgique), Magnificent 7 (Belgrade, Serbie),… Ce film, sorti en salle en Belgique et en Suisse est une co- production belgo-franco-suisse.