Des jours et des nuits sur l’aire de Isabelle Ingold
France, 2016, 55′, entrée: 5€/3€
Ce film dresse le portrait d’une aire d’autoroute perdue au milieu de la campagne picarde, un lieu comme dans un rêve : bruissant des pensées et des vies de ceux qui passent ou qui travaillent ici mais aussi un lieu bien réel : véritable poste d’observation de l’Europe d’aujourd’hui où apparaît crûment la violence de la concurrence d’un marché unique, la nostalgie du déracinement et les solitudes contemporaines.
L’avis de Tënk
Des tableaux d’Edward Hopper, certaines chansons d’Alain Souchon (telle « Ultra Moderne Solitude ») les analyses de Karl Marx sur la circulation des marchandises et des capitaux, c’est à ces références très diverses que l’on peut songer en regardant « Des jours et des nuits sur l’aire » d’Isabelle Ingold – et c’est ce qui en fait sa force, sa beauté et sa cohérence. Les prolétaires des routes et des aires d’autoroute sont seuls et solidaires, isolés et ensemble. La déréliction n’empêche pas la conscience de classe ou, en tout cas, la perception ou la science de son malheur, ne serait-ce qu’en étudiant son bulletin de paie. S’appuyant sur un rare sens visuel et une conception rigoureuse du cadre, « Des jours et des nuits sur l’aire », documentaire sensible, est aussi un film éminemment politique qui montre, sans démontrer, tout ce qui unit encore, malgré tout, les femmes et les hommes soumis à la circulation des marchandises, à la rationalisation du temps et au sacrifice des paysages.
Tangui Perron, Historien, chargé du patrimoine audiovisuel à Périphérie
Isabelle Ingold est monteuse et réalisatrice indépendante. Elle est diplômée de la Femis en section montage. Depuis, elle a travaillé avec des réalisateurs aussi différents que Amos Gitaï, Vincent Dieutre, Vivianne Perelmuter, Toshi Fujiwara, Barmak Akram, Bojena Horackova, Itvan Kebadian, Renaud Cohen, Jean-Charles Massera, Hélène Marini, Julia Pinget…
Les longs métrages de fiction ou de documentaire qu’elle a monté ont été sélectionné dans des festivals tels que Venise, Cannes, Toronto, Berlinale, Sundance, Locarno, Lussas, Cinéma du Réel, Nyon. Elle enseigne à l’Université de Corte ainsi qu’à La Fémis.